Ergot du seigle dans les blés, l’importance de conserver un désherbage efficace
Contre l’ergot du seigle qui contamine les lots de blé, les céréaliers misent sur le désherbage combinatoire pour cibler les graminées adventices relais. Mais son efficacité requiert un portefeuille herbicide solide et un accès rapide aux innovations.
Avant les prochains semis de blé, Phyteis revient sur un problème de santé publique majeur : la recrudescence de l’ergot de seigle dans les parcelles de céréales. Le champignon, Claviceps purpurea, forme des ergots (sclérotes) dans les épis qui contiennent des alcaloïdes dangereux pour la santé humaine.
Les données partagées par FranceAgriMer et Arvalis sur la récolte 2024 indiquent que 75 % des échantillons analysés présentent des sclérotes de ce champignon. Pour environ 10 % des lots, les teneurs dépassent même le seuil réglementaire européen de 200 mg/kg. Ce niveau de contamination ressort comme l’un des plus élevés depuis 2006, date du plan européen de surveillance. Toutefois, la norme a été abaissée en 2021, passant de 500 à 200 mg/kg.
De son côté, l’ANMF (Association nationale de la meunerie française) recueille depuis 2024 dans le cadre de son plan Contrôle F, les analyses de contaminants réalisées par les meuniers et minotiers. Résultat : 16 % des farines analysées cette année-là ne sont pas conformes à la réglementation européenne sur les alcaloïdes issus des sclérotes. Tout dépassement conduit à une destruction du lot de céréales ou de farine.
Autre problématique, le seuil réglementaire dans la farine, fixé à 100 microgrammes/kilogramme, doit être abaissé à 50 microgrammes/kilogramme en 2028. L’ANMF juge cet objectif intenable si les niveaux de contaminations persistent.
Graminées adventices : relais au champ
La présence de sclérotes dans les lots de blé impose des opérations de tri coûteuses et affecte la qualité globale de la production. Pour la filière blé-farine, la priorité est de maintenir sa production grâce à un bouquet de solutions techniques, adapté aux réalités du terrain.
En effet, la contamination des blés a une origine bien identifiée : les graminées adventices. « Outre la perte de rendement, le vulpin et le ray-grass servent de plantes relais pour l’ergot, explique Ronan Vigouroux, responsable environnement chez Phyteis et référent sur l’approche combinatoire. De fait, cette maladie ne se peut s’éviter qu’avec un désherbage efficace faute de traitement fongicide de l’épi. Mais, en raison de la multiplication des impasses techniques, les graminées adventices foisonnent dans les cultures. Dès lors, le risque de constituer un important inoculum d’ergot à la parcelle s’accroît chaque année ». Les sclérotes tombés au sol réinfectent les prochaines levées de céréales à paille et de graminées adventices.
Désherbage combinatoire : une réponse technique face à l’impasse
Face à ces impasses, le monde agricole se mobilise et la vigilance devient collective. Les Chambres d’agriculture, les distributeurs agricoles et Arvalis accompagnent les céréaliers dans des stratégies de désherbage sur le terrain. Des essais menés localement évaluent les meilleurs scénarios selon les conditions pédoclimatiques car les leviers agronomiques sont multiples. Ceux principalement mobilisés sont le faux-semis, le décalage des dates de semis, la diversification des cultures, l’allongement de la rotation et le travail du sol. « Seule une approche personnalisée à l’échelle de la rotation et pour chaque parcelle, combinant plusieurs techniques permet de baisser durablement le stock de semences adventices dans le sol », affirme Ronan Vigouroux.
Quand les herbicides restent incontournables
Dans cette panoplie d’outils, la chimie reste une composante majeure du désherbage combinatoire, surtout avec un haut niveau d’infestation. De plus, l’efficacité des herbicides augmente lorsqu’ils interviennent en complément de l’agronomie. Quand les conditions climatiques empêchent le désherbage mécanique ou d’autres pratiques agronomiques, ces produits sont même le seul moyen pour maîtriser les populations de vulpins et de ray-grass. « Mais un quart des substances actives a disparu en dix ans, rappelle l’expert. L’innovation peine à suivre car les délais d’homologation sont très longs. La situation devient critique. Par conséquent, il est essentiel d’aligner les objectifs de santé publique, la durabilité de la filière blé-meunerie et les moyens de lutte mis en œuvre. »