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Les nématodes de la carotte

Les nématodes de la carotte sont des vers parasites. Ils perturbent l’alimentation de la plante et provoquent ainsi la déformation des carottes.  

La multiplicité des espèces de nématodes et le manque de moyens de lutte chimique impliquent l’adoption d’une approche de lutte combinatoire.

Plus de 26 000 espèces de nématodes décrites sur terre sont recensées, dont 11 000 espèces dans le sol.

Tous les nématodes présents dans le sol ne sont pas phytoparasites. En effet, certains nématodes sont bénéfiques (cycle des nutriments, régulation du compartiment microbien). Leur présence dans les sols est donc importante.

Aussi, les principaux nématodes phytophages de la carotte sont :

  • Certains nématodes libres, le plus fréquent étant le Pratylenchus spp. : endoparasite migrateur (parasite passant une partie de son cycle à l’intérieur de son hôte) et responsable de lésions des racines ;
  • Le nématode à kyste Heterodera carotae, qui est un endoparasite sédentaire (parasite passant la presque totalité de son cycle fixé à son hôte) ;
  • Des nématodes à galles (Meloidogyne spp.), endoparasites sédentaires.
Le cycle de développement des nématodes de la carotte

© Videologia

Ver nématode (vue microscopique)

  • Le nématode libre (Cycle de 1 à 2 mois (pour le Pratylenchus spp.) :

Les femelles pondent les œufs dans les racines. Les larves nouvellement écloses demeurent dans les racines, de même que les adultes, ou migrent dans le sol pour envahir de nouvelles racines.

  • Le nématode à kyste :

Le cycle de développement du nématode à kyste dure environ un mois. Il débute lorsque les kystes présents dans le sol libèrent des larves, qui pénètrent ensuite les racines de la carotte.

À l’intérieur, elles se développent en nématodes adultes et les femelles pondent des œufs. Ces femelles matures forment alors des kystes remplis d’œufs, qui restent dans les racines avant d’être libérés dans le sol. Ces kystes assurent ainsi la survie et la propagation du parasite d’une saison à l’autre.

L’attaque par le nématode à kyste entraîne la présence visible, sur les racines, de kystes rouge pâle à rouge-brun en forme de citrons.

  • Le nématode à galles(Cycle de 1 mois) :

Les larves pénètrent dans la racine, et s’y développent. Les femelles ne quittent plus la racine et deviennent ainsi sédentaires. Elles enflent et produisent 300-500 œufs hors de la racine.

© AOPn Carottes de France

Nématodes à galles

La nuisibilité des nématodes de la carotte

Les nématodes de la carotte provoquent en conditions de culture des dégâts quantitatifs et qualitatifs sur les carottes :

  1. Baisse de vigueur : les nématodes endommagent les racines, ce qui réduit la capacité de la plante à absorber l’eau et les nutriments. En conséquence, les carottes deviennent moins robustes et moins résistantes aux stress environnementaux tels que la sécheresse. Les attaques précoces peuvent provoquer des fontes de semis.
  2. Retards de croissance : les nématodes se nourrissent des cellules végétales, entraînant des lésions et des déformations des racines (carottes fourchues ou courtes). La culture peut également montrer une décoloration précoce du feuillage. Le système racinaire est fin, parfois très ramifié et souvent marqué de lésions brunâtres.
  3. Sensibilité aux maladies : les nématodes affaiblissent le système immunitaire de la plante. En conséquence, les carottes sont plus vulnérables aux infections bactériennes, fongiques et virales. Les maladies peuvent se propager plus facilement dans les tissus racinaires endommagés.
  4. Alteration de la qualité : les nématodes peuvent provoquer la formation de racines déformées (fourchues, courtes…), rendant la carotte non commercialisable.
  5. Baisse de rendement : les effets combinés de la baisse de vigueur, des retards de croissance, de l’altération de la qualité et de la sensibilité aux maladies entraînent une réduction des rendements. On peut observer jusqu’à 50 % de perte, voire une perte totale de la culture dans les cas les plus extrêmes.

A noter que les symptômes de la présence de nématodes ne sont pas toujours spécifiques à ce ravageur et peuvent être causés soit par d’autres bioagresseurs, soit par des facteurs abiotiques (fertilisation, conditions climatiques, hétérogénéité du sol…).

© AOPn Carottes de France

Dégâts causés par des nématodes à galles

Stratégie de protection combinatoire contre les nématodes

Plusieurs méthodes sont utilisées pour contrôler les nématodes dans la production de carottes :

Prophylaxie :

La première ligne de défense repose sur la prophylaxie, qui consiste notamment à nettoyer soigneusement les outils, les machines agricoles et les équipements avant toute entrée sur une nouvelle parcelle.

Rotation des cultures :

La mise en place d’une rotation culturale efficace permet de limiter la pression des nématodes. Il est recommandé d’espacer le plus possible la présence de plantes hôtes sensibles, comme la pomme de terre, afin de réduire le risque de développement de populations importantes. Néanmoins, certains nématodes, comme Heterodera carotae, peuvent survivre dans le sol en l’absence de plante hôte pendant plus de 10 ans.

Protection chimique :

L’utilisation de nématicides reste une solution couramment utilisée pour réduire la population de nématodes dans le sol.

Couverts végétaux :

Certains couverts végétaux peuvent jouer un rôle important dans la gestion des nématodes. Des espèces comme le sorgho, aux propriétés nématicides, peuvent être intégrées entre deux cultures pour réduire naturellement les populations.

La carotte piège :

Pour réduire la population de nématodes Heterodera carotae, il est possible d’intégrer une culture piège, avant l’implantation de la culture de carotte.

Terapur est une variété résistante, non consommable, issue d’une variété sauvage. Elle agit en libérant un exsudat spécifique qui stimule les nématodes en dormance à sortir des kystes.

Une fois les larves activées, elles ne trouvent pas de nourriture adéquate et meurent avant de pouvoir achever leur cycle de développement, réduisant ainsi leur population. Pour maximiser l’efficacité de cette méthode, il est essentiel de bien planifier les périodes de mise en place et de destruction de Terapur dans la rotation culturale.

Prospectives horizon 2030

La situation actuelle se caractérise par une disponibilité limitée de moyens de lutte efficaces, malgré de nombreuses études sur les alternatives possibles.

La recherche est mobilisée depuis plusieurs années sur ce sujet stratégique. Elle a permis d’identifier des leviers alternatifs tels que : l’utilisation de variétés résistantes, l’intégration de cultures pièges comme la carotte piège, ou encore le recours à des produits de biocontrôle.

Le projet ECLODERA (ANR porté par l’INRAE de Rennes) s’est focalisé sur l’étude de 2 leviers de lutte contre Heterodera carotae : la carotte piège Vilmorin – Terapur (étude de la durabilité de la résistance) et sur l’éclosion suicide des larves en l’absence de culture de carotte par apport d’exsudats racinaires (identification des molécules responsables de l’éclosion) ainsi que la mise en place dans l’itinéraire technique des 2 leviers en combinaison. Le SILEBAN a déposé un nouveau programme, Evadera, pour poursuivre ces travaux.

Dans le cadre du PAUPFL (Plan d’action pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques limités, porté par le CTIFL), les expérimentations sur nématodes portent sur l’évaluation de l’ozone aqueuse, de différents couverts végétaux avec et sans biofumigation, de spécialités de biocontrôle ou de biostimulation de défense des plantes. On expérimente ces alternatives seules ou en association.

Quant au plan de lutte mis en place en zone de Créances en Normandie, il propose une approche intégrée regroupant plusieurs alternatives. Ces dernières incluent notamment l’allongement de la rotation (5 ans), et l’insertion de plantes assainissantes (Terapur et culture de sorgho conduit en biofumigation).

On attend un bilan de ces expérimentations pour évaluer l’efficacité globale du dispositif et son potentiel de déploiement à plus grande échelle.

© AOPn Carottes de France