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Parole d'expert

Asperge verte : dans le rouge face aux bioagresseurs !  

L’asperge verte française est-elle en péril ? François-Xavier Hupin, producteur normand, alerte : sans produits efficaces contre le criocère, la rouille et les adventices, les impasses techniques se cumulent.

S’il fallait définir une filière de niche, l’asperge verte serait un exemple plutôt marquant. Avec seulement 15 producteurs dans le Calvados, François-Xavier Hupin, installé près de Caen, est le plus important, du haut de ses 3,5 hectares ! Cette culture peine à se développer. Pourtant, la demande existe puisque le France importe massivement depuis l’Allemagne. « Seuls 23 % des asperges consommées en France sont produites localement », regrette l’agriculteur.  La raison ? Une culture exigeante qui se confronte à d’importantes situations d’impasse technique face aux bioagresseurs.

De plus, comme l’asperge blanche, l’asperge verte part avec un handicap de taille comparé aux autres cultures maraîchères. En effet, elle reste en place pendant 10 à 15 ans. « Dès qu’un ravageur, maladie ou adventice s’installent, notre marge de manœuvre est extrêmement faible », souligne-t-il.

Criocère et rouille : les ennemis numéro un

L’asperge verte du Calvados partage les mêmes problématiques que ses cousines blanches ou violettes du Sud-Ouest, du Maine-et-Loire, du Sud-Est et d’Alsace. Criocère et rouille sont leurs pires ennemis.

Le criocère de l’asperge (Crioceris asparagi), un coléoptère, ravage les tiges et cladodes. Ses larves affaiblissent la plante et favorisent l’entrée des maladies. « Depuis l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018, nous n’avons plus que les pyréthrinoïdes, moins efficaces et favorisant les résistances, explique François-Xavier Hupin. De plus, face à une forte pression, il faut multiplier les applications, avec des résultats en demi-teinte. »

La rouille, quant à elle, profite pleinement de l’humidité normande. Ce champignon provoque des taches orangées sur les tiges et les feuilles, qui finissent par se dessécher. « Le problème, c’est que la maladie hiverne dans le rhizome et revient chaque année. Une fois installée, c’est cause perdue ! » déplore l’agriculteur.

En effet, les fongicides disponibles sont avant tout préventifs. Or, la rouille est une maladie agressive qui nécessite parfois des traitements curatifs dont ne disposent plus les agriculteurs. Le cuivre pourrait être une alternative efficace, mais son usage est interdit.

François-Xavier Hupin, agriculteur près de Caen : « Le changement climatique accentue la situation d’impasse technique avec, ces dernières années, des printemps très humides, favorables aux mauvaises herbes et aux maladies ».

Un désherbage des asperges devenu mission impossible

À ces difficultés s’ajoute un autre casse-tête : le désherbage. L’asperge verte doit être implantée sur des parcelles propres. Idéalement derrière un blé, pour limiter la concurrence des adventices. Mais cela ne suffit pas. « Nous devons utiliser l’isoxabène contre les graminées, témoigne François-Xavier Hupin. Néanmoins, avec un délai avant récolte de 30 jours, son positionnement correspond à la pré-émergence. Par conséquent, cela ne couvre pas toute la période de croissance. Qu’en est-il des graminées en fin de cycle ?»

En revanche, pour les dicotylédones, la solution repose sur la métribuzine dont le délai avant récolte est de 7 jours. Mais, son efficacité est limitée. « Si on l’applique sans pluie derrière, elle diminue de moitié. Et sans assez de rémanence, on ne tient pas jusqu’à la fin de la saison. »

La situation empire à mesure que la culture avance en âge ! « Les cinq premières années, nous arrivons à la gérer dans le cadre d’une rotation bien pensée, analyse François-Xavier Hupin. Mais dès que la production dépasse dix ans, c’est une autre histoire. Les adventices prennent le dessus car les herbicides ne suffisent plus et les solutions mécaniques restent très limitées. »

Une recherche aux abonnés absents

François-Xavier Hupin ne se berce plus d’illusions. « Cela fait deux ans que je questionne mon conseiller technique et il n’a aucune alternative à me proposer. » La recherche sur les asperges est quasi inexistante. « On est une petite filière, alors personne ne s’y intéresse », déplore-t-il.

Quelques pistes existent, mais elles restent limitées. L’utilisation de filets contre le criocère ? Trop coûteux et peu efficace. Les solutions de biocontrôle ? Aucune ne donne encore satisfaction. Seule la recherche agronomique pourrait apporter des réponses.

« Si rien ne bouge, la production française d’asperges vertes est condamnée », prévient l’agriculteur. Un constat amer.

Malgré tout, il peut encore compter sur ses 135 hectares de blé, orge, colza, maïs, avoine, lin et pommes de terre. En restant lucide : les défis techniques ne manquent pas non plus !

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