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Le virus de la tomate

Le virus de la tomate ToBRFV (virus du fruit rugueux brun de la tomate) est un virus appartenant à la famille des Tobamovirus. Il menace les plantes potagères, en particulier les tomates et les poivrons.

Son mode de propagation est particulièrement rapide. Il réclame par conséquent une vigilance de tous les instants. 

Le virus de la tomate ToBRFV a été identifié pour la 1ère fois au Moyen-Orient en 2014. Il a ensuite été repéré en 2018 au Mexique, puis aux États-Unis et en Asie.

En Europe, les premiers cas ont été détectés en Allemagne en 2018. En France, les premiers cas sont apparus en 2020. S’il y a eu peu de cas en 2021 et aucun en 2022, onze foyers ont été détectés en 2023. Au printemps 2024, le ToBRFV a fait une nouvelle apparition dans le Lot-et-Garonne.

Le ToBRFV est véhiculé par les plants et les semences, ainsi que par l’activité humaine. Même si sa progression reste limitée, sa virulence préoccupe les semenciers, les pépiniéristes, les producteurs et les chercheurs. Enfin, il est à noter qu’il ne représente aucun danger pour la santé humaine.

Le développement du virus ToBRFV

La dangerosité du virus et son agressivité proviennent de sa facilité et de sa rapidité de transmission. Il se transmet non seulement de plante à plante mais aussi par l’activité humaine. Ainsi, un simple contact par les mains, des vêtements, des outils, etc., peut transmettre la maladie à la plante.

Les Tobamovirus peuvent survivre pendant des mois en dehors de la plante hôte sur :

  • des supports inertes : carton, palette, matériel de transport, outils, vêtements, véhicules, piquets, etc. ;
  • des supports biologiques : mains, restes de plantes, insectes pollinisateurs ;
  • des solutions de film nutritif et dans les sols.

Le temps d’incubation est de deux semaines.  Le virus de la tomate ToBRFV infecte tous les types de cultures de tomates. La conduite culturale peut cependant avoir un impact sur sa dissémination.

Par exemple, les tomates destinées à la transformation sont moins manipulées, limitant la dissémination du virus en dehors de l’exploitation. Elles sont toutefois cultivées en pleine terre. Dès lors, des débris porteurs du virus peuvent persister dans le sol et accroître le risque d’infection pour la plantation suivante.

La nuisibilité du virus ToBRFV

La nuisibilité du ToBRFV dépend de la variété. Les premiers signes s’expriment sur les feuilles et dans un deuxième temps sur le fruit.

Sur les jeunes feuilles de la tête et des pousses latérales, une chlorose, une mosaïque et des marbrures sont d’abord observées. Les feuilles peuvent également être froissées ou plissées, voire rétrécies. Finalement, les feuilles se flétrissent totalement, jaunissent jusqu’à la mort de la plante.

Sur les fruits, les premiers symptômes sont des taches chlorotiques et des marbrures. Attention, ces symptômes sont aussi ceux d’autres tobamovirus et du virus de la mosaïque du pepino (PepMV). Les étapes suivantes sont la déformation des jeunes tomates, la maturation inégale ou encore la réduction du nombre de fruits par branche.

La détection du virus sur un plant ou une serre peur être tardive. Ainsi, les dégâts sont généralement importants. La contamination d’une serre peut mener à des pertes substantielles de rendement voire à l’absence totale de commercialisation.

Une fois qu’une plante est infectée, il est impossible de la soigner. Dès le départ, les producteurs doivent faire preuve d’une grande vigilance.

Stratégie de protection combinatoire contre le virus de la tomate ToBRFV
La prophylaxie

La désinfection est la principale mesure de prophylaxie et de lutte contre le virus du ToBRFV. C’est pourquoi la désinfection des mains, des surfaces et des outils par des solutions adéquates est indispensable.

Les mesures de précaution à destination des professionnels 

  • Favoriser l’approvisionnement de matériel végétal en provenance de zones réputées saines tel qu’exigé par la réglementation.
  • Désinfecter tout ce qui rentre et sort de l’unité de production. L’Anses, dans un rapport en date de 2020, propose différentes mesures à l’entrée du site de production et lors du travail au sein d’une unité de production.
  • Mettre en place les modalités de gestion de la culture : marche en avant, séparation dans l’espace.

Représentation d’une organisation d’un site de production dérivée du cahier des charges GSPP (Good Seed and Plant Practices standard). Cette gestion est basée sur une analyse de risque, une surveillance régulière du matériel et la prise en compte du risque au quotidien avec la mise en place de protocoles de gestion, une traçabilité, etc.

Tests de résistance

Les variétés résistantes représentent aujourd’hui le levier essentiel contre ce virus. C’est d’ailleurs le principal axe du projet CPVO ToBR-Ag mené par le GEVES.

Ces recherches :

  • ont permis d’identifier des variétés asymptomatiques ou faiblement symptomatiques ayant une charge virale équivalente aux variétés symptomatiques.
  • vont permettre d’harmoniser les niveaux de résistances des variétés au ToBRFV : « haute résistance » (HR), et  « résistance intermédiaire » (RI). Des premiers résultats sont attendus pour 2024.

Le critère asymptomatique se détermine de façon visuelle, indépendamment de la résistance. Une plante peut être asymptomatique à un moment donné, puis devenir symptomatique. Le critère de résistance est régi par un mécanisme génétique de la plante.

Pour le moment, ce virus ne fait pas partie des maladies testées lors de l’inscription des variétés de tomates au Catalogue Officiel français. Les conclusions de ce projet permettront la définition d’un protocole de test harmonisé. L’évaluation de ce caractère pourrait alors être considérée dans le cadre de l’homologation des variétés.

Toutefois, le risque avec le déploiement de ces variétés résistantes est la diminution de l’attention portée aux règles de prophylaxie. Ce qui pourrait conduire à une transmission accélérée du virus.

En cas de contamination

Aujourd’hui, la destruction d’un foyer contaminé n’est plus obligatoire. Toutefois, le virus est classé organisme de quarantaine provisoire (OQP) ; la déclaration au Service Régional de l’Alimentation (SRAL) est obligatoire pour les producteurs.

Le virus ToBRFV devrait passer en organisme réglementé de non-quarantaine (ORNQ) au 1er janvier 2025. L’objectif d’éradication dans l’Union européenne n’est en effet plus possible.

Pour confirmer une contamination, le SRAL s’appuie sur une double analyse PCR réalisée par le laboratoire de l’Anses. Le prélèvement officiel est réalisé sur exploitation par le SRAL, ou un organisme à vocation sanitaire (OVS) délégué comme la FREDON.

Lorsque des végétaux sont déclarés contaminés, l’ensemble de l’unité de production est placé en confinement. Mais désormais, si les fruits respectent les critères de qualité nécessaires, ils peuvent sortir de la serre pour être commercialisés.

Tout opérateur professionnel détenant un lot de semences déclaré contaminé a deux possibilités : Soit il fait détruire sans délai le lot par incinération, soit il procède à un traitement de décontamination du lot contaminé avec un produit autorisé pour cet usage.

A la suite de cette destruction, l’opérateur met en place des mesures de gestion comportant notamment :

  • la mise en place d’un vide sanitaire pour les végétaux spécifiés, 
  • la désinfection complète du matériel et des locaux de l’unité de production. 
La phytopharmacie

Il existe pour le marché français un produit phytopharmaceutique (PPP) autorisé destiné aux traitements généraux – désinfection des locaux, structures et matériels pour les produits d’origine végétale (POV), dont la substance active est l’acide benzoïque.

Parmi les produits biocides d’intérêt pour l’élimination des virus, figurent les produits dont la substance active est le bis(peroxymonosulfate) bis(sulfate) de pentapotassium.

La protection contre le virus de la tomate : ToBRFV en 2030 : de fortes attentes sur les variétés résistantes
Un projet de recherche pour aller plus loin sur les connaissances sur le ToBRFV

Le projet de recherche ToBR-Ag financé par l’Office communautaire des variétés végétales vient de débuter. Regroupant 4 offices d’examens (français, italien, espagnol et néerlandais), et 14 sociétés semencières européennes et japonaises, il comptabilise trois actions :

  • Caractérisation d’un panel d’isolats pour mettre en évidence s’il existe différents groupes de ToBRFV avec des virulences différentes ;
  • Mise en place d’un test de résistance de la tomate adapté au ToBRFV et définition des classes de résistances ;
  • Caractérisation du niveau de sensibilité des variétés de tomates.
Avenir de l’évaluation de la résistance dans le cadre de l’inscription au catalogue de nouvelles variétés

Deux essais variétaux (en grappe et cerise) sont enfin en cours au centre CTIFL de Balandran (Gard). Ils visent à évaluer les performances exclusivement agronomiques de nouvelles variétés présentées selon leur obtenteur comme « résistantes (IR : résistance intermédiaire et HR : haute résistance) au virus ToBRFV ».

Aujourd’hui, le critère résistance au ToBRFV est systématiquement inclus dans les programmes d’évolution variétale des semenciers, On pourrait donc tendre vers 100% de variétés résistantes d’ici 2030. Ce qui est la principale attente des professionnels.

Article rédigé avec l’AOP «Tomates et Concombres» de France