Évaluation des drones phytopharmaceutiques pour mieux maîtriser leur utilisation
La pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone mobilise la communauté scientifique. Des études sur l’efficacité, la dérive et la sécurité cherchent à poser un cadre clair, face à leur adoption qui s’accélère dans le monde.
En France, l’utilisation des drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques suscite un intérêt croissant, notamment auprès des viticulteurs et arboriculteurs qui travaillent sur des terrains escarpés. Dans ces environnements, la tractorisation est dangereuse. Les drones peuvent remplacer l’intervention humaine lorsque le pulvérisateur à dos ou le chenillard sont les seules options. Ainsi, ils permettent de réduire considérablement la pénibilité du travail et l’exposition des opérateurs. Cette méthode offre également une alternative pour intervenir dans les parcelles dont les sols sont peu portants.
Cependant, l’épandage de produits phytopharmaceutiques par drone reste interdit dans l’Hexagone, à l’exception de dérogations anciennes pour des expérimentations. À l’inverse, il se développe largement dans d’autres régions du monde. Cette technologie se répand notamment en Asie et aux États-Unis.
En Europe, en plus de la Suisse, trois pays de l’UE s’engagent sur la voie réglementaire. Des Länder en Allemagne encadrent déjà leur usage dans les vignes et les forêts, tout en souhaitant l’étendre à d’autres cultures. Pour leur part, la Bulgarie et la Hongrie envisagent d’autoriser l’épandage de fongicides et d’insecticides sur toutes les cultures. La décision se prendra à l’issue d’une expérimentation. Enfin, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et l’Angleterre soutiennent aussi des programmes d’évaluation.
Collecte de données sur la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone
Depuis 2009, des études analysent les risques et l’efficacité de la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone.
La dernière en date, publiée en 2024, émane de l’UAPASTF (Unmanned Aerial Pesticide Application System Task Force). CropLife International, l’association de l’industrie de la protection des cultures, est à l’origine de cette organisation.
Son travail s’appuie sur une analyse exhaustive de la littérature existante. Ainsi, elle met en lumière plusieurs enjeux clés : la dérive du brouillard pendant le vol, l’exposition des opérateurs, les résidus sur les cultures et l’efficacité des traitements.
« La collecte de données pour encadrer efficacement la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone devient indispensable face à leur adoption rapide dans le monde, explique Julien Durand-Réville, responsable santé chez Phyteis. L’objectif est de positionner ces outils par rapport aux pratiques conventionnelles de pulvérisation. »
Évaluation de la dérive de la pulvérisation par drone
L’étude de l’UAPASTF révèle que le risque de dérive du traitement par drone est inférieur à celui des pulvérisations aériennes traditionnelles.
En revanche, il reste plus élevé que celui des rampes terrestres. Ce risque se rapproche toutefois de celui observé lors d’applications à jet d’air utilisées dans les vergers.
En complément, une expérimentation suisse menée en verger démontre que les dépôts de dérive sont inférieurs aux seuils des modèles européens. Les niveaux d’exposition pour les riverains diminuent également.
Ces modèles sont élaborés par l’Efsa et la dernière version date de 2022. Ils prévoient l’impact sur l’environnement ainsi que l’exposition des résidents et des promeneurs.
Une comparaison précise avec les pulvérisateurs conventionnels est nécessaire pour mieux comprendre les différences et ajuster les conclusions.
Pulvérisation de produit phytopharmaceutique par drone et sécurité des opérateurs
Une étude allemande publiée en 2023 analyse l’exposition des opérateurs lors de l’utilisation de drones phytopharmaceutiques dans des rizières asiatiques.
Pour établir des comparaisons, les chercheurs se réfèrent également aux modèles européens d’exposition recommandés à des fins réglementaires. En conclusion, ils mentionnent une réduction de l’exposition de 90 à 99 % dans 75 % des situations. « L’utilisation de drones réduit considérablement l’exposition de l’opérateur par rapport aux équipements de pulvérisation à dos », partagent-ils.
Drones phytopharmaceutiques à réserver à des situations précises ?
En termes d’efficacité, les résultats varient en fonction de la configuration et de la densité des cultures ainsi que la pression des bioagresseurs.
En 2022, l’Anses publiait un avis s’appuyant sur dix études menées en France, dont huit concernaient la vigne et deux l’arboriculture. Ces études indiquent que les étages foliaires inférieurs reçoivent moins de produit. Cette hétérogénéité a pour conséquence de modifier l’efficacité des traitements en cas de forte pression de bioagresseurs.
Dans ses conclusions, l’agence estime que les drones seraient plutôt à réserver aux situations à faible pression de bioagresseurs. Elle convient aussi de leur intérêt en cas de volume foliaire limité ou de parcelles d’accès difficile.
De son côté, l’étude suisse conduite en verger corrobore ces conclusions. De plus, elle note des performances similaires entre les traitements par drone et par pulvérisateurs terrestres (atomiseur, turbodiffuseur) en cas de faibles pressions en maladies.
Références des études sur la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques par drone
Publications scientifiques de l’industrie de la protection des cultures
Published in Journal of the ASABE 67(1): 27-41 (doi: 10.13031/ja.15646). Bonds et al. 2024.
- Pesticide Exposure of Operators from Drone Application: A Field Study with Comparative Analysis to Handheld Data from Exposure Models. ACS Agricultural Science & Technology Vol 3/Issue 12. Kuester et al. December 5, 2023
Publications ou avis scientifiques d’agences d’évaluation
- Note d’appui scientifique et technique de l’ANSES, relative à « l’expérimentation de l’utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques » (juillet 2022).
- Publication d’instituts de recherche et de l’Agence officielle d’évaluation Suisse (Swiss Federal Agricultural Research Station et le Federal Food Safety and Veterinary Office).
Environmental, bystander and resident exposure from orchard applications using an agricultural unmanned aerial spraying system. Sci Total Environ. 2023 Jul 10:881:163371. Dubuis et al. 2023