L’approche combinatoire protège efficacement les cultures contre les champignons
Responsables de 70 à 90 % des maladies des plantes, les champignons sont les micro-organismes les plus menaçants pour la production agricole. Seule une combinaison de solutions évite les contaminations et sécurise les rendements.
En contaminant les cultures, les champignons provoquent d’importantes pertes de rendement et affectent la qualité des récoltes.
Bien évidemment, la biologie de ces bioagresseurs diffère selon les espèces. Cependant, tous se réactivent à partir d’un même signal : des températures douces et de l’humidité ! Dès lors, ils contaminent leur hôte via des spores. Puis, ils se propagent de proche en proche dans la parcelle par le vent ou les projections de gouttes de pluie.
Large boîte à outils contre les champignons, à déployer tout au long du cycle végétatif
Tout d’abord, on doit éviter tôt l’installation de la maladie dès les premières contaminations. Ensuite, tout au long du cycle végétatif, une combinaison de solutions et de techniques crée les conditions défavorables au développement du mycélium.
« Avec le changement climatique, la maîtrise des maladies se complexifie, constate Ronan Vigouroux, responsable agriculture durable et environnement chez Phyteis. Les hivers doux, les printemps pluvieux et les épisodes orageux plus fréquents en été amplifient les contaminations. Seule l’approche combinatoire de la protection des cultures apporte une réponse pour, à la fois, diminuer l’inoculum et bloquer la maladie en cours de cycle. Dans ce cas, la boîte à outils doit être la plus large possible, au service d’une agriculture productive, rentable et écoresponsable. »
Systématiquement, l’approche combinatoire pour contrôler un champignon associe :
- les pratiques culturales dont le recours aux variétés tolérantes,
- l’agronomie digitale,
- les biosolutions et la phytopharmacie,
- et l’emploi de pulvérisateur de précision.
L’approche combinatoire limite l’inoculum
Les champignons se conservent principalement au sol sur les résidus de cultures. Sous forme de mycélium compacts appelés sclérotes, de spores, de périthèces (forme sexuée), de cléistothèces…, ils survivent plusieurs années. Par exemple, les spores de Cercosporia beticola (cercosporiose de la betterave) sont actives pendant 3 ans. Des solutions limitent ce potentiel infectieux.
La destruction des végétaux
En broyant puis en enfouissant les résidus de cultures avec un labour, on réduit la viabilité de l’inoculum. Des biosolutions accélèrent même la décomposition de ces réservoirs. En particulier, elles s’appliquent dans les vergers et les vignes puisque le levier « tolérance variétale aux bioagresseurs » n’est possible que lors du renouvellement des arbres ou des ceps.
L’allongement de la rotation
La majorité des champignons se développent sur un nombre restreint d’espèces végétales. Ainsi, la solution consiste à revenir le plus tard possible sur la même parcelle avec les cultures hôtes.
L’élimination des plantes hôtes secondaires
Des champignons subsistent sur les adventices ou sur les repousses de cultures. Là encore, leur destruction s’avère nécessaire. Par exemple, le ray-grass, le chiendent, le paturin servent d’hôte relai pour la ramulariose entre deux cultures de l’orge. De son côté, l’ergot du seigle survit sur les graminées adventices ou de bord des champs.
L’approche combinatoire freine les contaminations
Le choix variétal
Les variétés tolérantes à un champignon se défendent mieux en cas d’attaques. Ce mécanisme d’autodéfense freine la germination des spores et/ou la progression du mycélium dans les tissus. Non seulement, il s’agit du levier agronomique le plus efficace, mais en plus il apporte davantage de souplesse dans la rotation. Par exemple, derrière un blé, on sème un maïs tolérant à la fusariose.
Autre bénéfice, selon les situations agronomiques et les cultures, on peut économiser un traitement ou opter pour un biocontrôle.
De surcroît, en combinant la tolérance variétale et la biostimulation, les capacités de défense de la plante se renforcent.
La surveillance pour ne pas dépasser les seuils de risques
Le cycle biologique des champignons dépend des conditions agronomiques et climatiques à la parcelle. Aussi, les outils numériques modélisent ces données pour suivre l’évolution des contaminations. Précis dans leur analyse, ils déterminent le moment où le risque maladie est tel qu’il peut nuire au rendement.
Cette surveillance des cultures reste essentielle pour positionner les fongicides de biocontrôle et chimiques en complément des pratiques culturales. En effet, les produits agissent souvent en préventif. De plus, les outils d’aide à la décision prédisent un risque avant que la maladie ne soit visible. D’ailleurs, pour certains champignons comme septoria tritici responsable de la septoriose du blé, intervenir dès les premiers symptômes, c’est déjà trop tard ! La maladie affecte le potentiel de rendement du blé lors de la formation des étages foliaires.
Les biosolutions
Les produits de biocontrôle agissent comme des fongicides contre les champignons. En positionnement préventif, ils empêchent la germination des spores. Par ailleurs, certaines substances comme la lamilarine (extrait d’algues) activent les défenses naturelles des plantes.
- Exemple de biosolutions : micro-organismes (bactéries ou champignons antagonistes), extraits végétaux, d’algues ou de minéraux (soufre, chélate, phosphonates…)
À noter, le cuivre appartient à la catégorie des biosolutions car il est utilisable en agriculture biologique. Cependant, il ne figure pas sur la liste des produits de biocontrôle.
Les biostimulants jouent aussi un rôle dans le contrôle des champignons. D’un côté, ils améliorent les capacités naturelles de la plante à se défendre. De l’autre, ils la rendent plus robuste malgré le stress que le bioagresseur crée en l’attaquant.
La phytopharmacie
Il existe 13 modes d’actions fongicides. Chacun cible un processus physiologique du champignon. Par exemple, l’inhibition de la biosynthèse des stérols dans la paroi cellulaire ou l’inhibition de la respiration cellulaire…
Principalement, on applique les fongicides sur les feuilles. Pour les maladies qui se développent au semis ou se transmettent par les grains (carie du blé), on traite les semences.
Pour éviter les résistances de la part des souches de champignons, on raisonne les programmes fongicides en alternant les modes d’actions. Par ailleurs, des fongicides comme le cuivre et le soufre possèdent un mode d’action multisite. De fait, en les associant aux fongicides unisites, les souches de champignons développent plus difficilement des résistances.
Les agroéquipements optimisent l’efficacité des biosolutions et de la phytopharmacie
Grâce aux pulvérisateurs de précision, on diminue les quantités de cuivre et de fongicides chimiques tout en facilitant le recours au biocontrôle.
En parallèle, des adjuvants et les buses à limitation de dérive évitent les pertes dans l’environnement tout en améliorant la qualité de la pulvérisation. Ainsi, selon l’Institut de la vigne et du vin (IFV) la combinaison de l’implantation de haies en bordure des vignes et de l’emploi d’un pulvérisateur face par face équipé de buses à injection d’air (ou classées antidérive) réduit la dérive de plus de 97 %.
Les innovations pour renforcer l’approche combinatoire contre les champignons
Avec les biosolutions, tant reste à découvrir ! Micro-organismes pour parasiter les champignons, microbiome du sol pour créer des synergies avec les plantes, composés végétaux et minéraux, protéines, algues… Par exemple, un extrait d’algues pulvérisé après la récolte, agit par osmose sur la forme de conservation du mildiou. Résultat, les cellules éclatent !
Le séquençage du génome, une des méthodes de biotechnologies, permet de caractériser le microbiome présent à proximité des racines et sur les feuilles. En effet, il existe des champignons du sol qui se nourrissent d’autres espèces pathogènes pour la plante. Ainsi, en stimulant ces micro-organismes protecteurs, le potentiel infectieux s’affaiblit.
De plus, grâce à l’édition du génome, la sélection variétale devient plus rapide et précise. Idéalement, une variété devrait résister à plusieurs pathogènes.
Enfin, sans connaitre la dynamique des bioagresseurs grâce aux outils d’aide à la décision, le positionnement efficacement des solutions de biocontrôle reste compliqué. Par conséquent, l’innovation concerne aussi le numérique, notamment avec l’édition de cartes de biomasse et l’intelligence artificielle. « Les biosolutions qui s’appliqueront largement demain requièrent des technologies performantes pour maximiser les efficacités », ajoute Ronan Vigouroux