Congrès de la CGB 2023, « pression inédite sur les moyens de production de la betterave »
Malgré des atouts économiques et un rôle clé dans la souveraineté alimentaire de l’Europe, la production betteravière se heurte à une réglementation sur les produits phytosanitaires plus contraignante. Lors du congrès du syndicat betteravier (CGB), Franck Sander, son président, martèle le mot d’ordre commun à toutes les filières agricoles : « Il n’y aura pas de transition agricole sans solutions ! »
La campagne de production betteravière 2023 est conforme à la moyenne de ces dernières années. Elle se caractérise par un rendement à 83 t/ha pour une richesse en sucre des racines à 16°. La production totale atteint 31,5 Mt. Désormais, les prix rémunérateurs sont au rendez-vous. Néanmoins, l’équilibre de la filière reste fragile. Lors du congrès du syndicat betteravier CGB organisé le 7 novembre à Reims, le fil conducteur est le nécessaire maintien des moyens de production pour maintenir la souveraineté alimentaire. En parallèle, la production betteravière se confronte à un recul de 5 % de sa sole. À ce repli, s’ajoutent une volatilité des prix et l’afflux de sucre en provenance d’Ukraine, annoncé à compter de 2024. Les importations passeront alors de 20 000 t/an à 700 000 t/an.
Aussi, la CGB appelle à une maîtrise des surfaces et à disposer de tous les outils pour conserver la rentabilité de production betteravière. « La culture de la betterave devient plus à risques avec à la fois un risque climatique, un risque sanitaire et un risque réglementaire, insiste Franck Sander, président de la CGB. Ils réduisent nos moyens de production.» Par ailleurs, il estime que le risque réglementaire « s’affirme de plus et en plus et vient renforcer celui d’ordre sanitaire ».
Transition agricole et insuffisante préparation de la recherche
Au fil des campagnes agricoles, le risque sanitaire pour la betterave perdure. En effet, en 2023, la fin de cycle de la culture est marquée par une forte attaque de la cercosporiose. Cette maladie brunit les feuilles. La racine perd de la richesse en sucre en raison d’un ralentissement de la photosynthèse. Sans compter le risque d’émergence de nouveaux ravageurs telles les cicadelles signalées en Allemagne, vectrices d’une maladie bactérienne, le stolbur : « Nous sommes insuffisamment préparés, il importe de mobiliser les chercheurs au niveau national et international », interpelle Franck Sander.
Toutefois, le problème de la jaunisse est loin d’être réglé. La maladie a particulièrement sévi dans la région Centre Val de Loire, près de Chartres. Aussi, le président de la CGB salue le renouvellement pour trois ans du Plan national de recherche et innovation (PNRI). De plus, l’enveloppe se renforce. Par contre, il souligne que « les solutions alternatives ne seront pas disponibles ni en 2024 ni en 2025 ». De son côté, Philippe Duclaud, directeur général de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, indique que des efforts restent à amplifier. Il note le travail déjà effectué sur l’itinéraire technique dans le cadre du premier PNRI.
Pour accélérer, le syndicat betteravier milite pour que les nouvelles techniques de génomique soient autorisées en Europe. De même, le Gouvernement français soutient ce dossier auprès de la Commission européenne. « Il nous faut un cadre réglementaire fondé sur la science, c’est un enjeu de souveraineté alimentaire », complète le représentant du ministère.
Réglementation contraignante sur les produits phytosanitaires
Autre sujet d’inquiétude, la distorsion de concurrence persiste sur l’accès aux solutions phytopharmaceutiques pour protéger la betterave. Conséquence, le président de la CGB demande aux pouvoirs publics de reconsidérer la stratégie Écophyto 2030 en suivant la ligne initiale : pas d’interdiction sans solutions efficaces. « La suppression continue en marche forcée des moyens de production ne fait qu’aggraver le problème, alerte-t-il. Quand nos décideurs vont-ils enfin en prendre conscience ? Nous aimerions tous recourir à moins de produits phytosanitaires. Cependant, imposer aveuglement sans concertation aura, et a déjà, des conséquences dramatiques ».
Aussi, il invite le gouvernement à prendre systématiquement avis auprès de l’Institut technique de la betterave (ITB).
Distorsions de concurrence, l’exemple avec la jaunisse de la betterave
Les interdictions de produits phytosanitaires sans solutions franco-françaises se traduisent par une distorsion de concurrence avec les voisins européens. La jaunisse de la betterave se révèle une parfaite illustration depuis l’interdiction des néonicotinoïdes. En effet, deux substances (l’acétamipride et la flupyradifurone) sont utilisées ailleurs en Europe pour lutter efficacement contre la jaunisse. Elles se positionnent sur feuilles et en enrobage de semences (flupyradifurone uniquement), alors qu’elles sont interdites en France depuis 2018.
Enfin, pour la CGB, le retour au principe de réalité s’entrevoit déjà avec le règlement SUR. Le projet de texte a été rejeté le 22 novembre par le Parlement européen : « Les eurodéputés ont su écouter les agriculteurs, la France doit s’aligner sur cette position. »