La grosse altise du colza
La grosse altise du colza menace fréquemment le colza du début de son cycle végétatif jusqu’à la sortie d’hiver. Ainsi, la stratégie de protection combinatoire s’appuie sur un colza vigoureux et une surveillance régulière du niveau d’infestation.
La grosse altise, Psylliodes chrysocephala, est avec le charançon du bourgeon terminal, un des ravageurs les plus problématiques pour le colza.
L’adulte est nuisible à l’automne sur les plantules, et la larve cause des dégâts sur les plantes développées au cours de l’hiver.
- La grosse altise adulte. Elle mesure de 3,5 à 5 mm de long. Son corps, noir brillant, possède des reflets bleus. En revanche, les extrémités des pattes et les antennes sont de couleur rousse. La grosse altise se reconnait aussi pour sa paire de pattes arrières « sauteuses », bien plus développées.
- La larve de grosse altise. D’abord, sa taille est de 1,5 mm à l’éclosion et de 8 mm en fin de croissance. Le corps est blanc et translucide. Des pigmentations apparaissent sur les plaques thoraciques. De plus, signe particulier, la larve possède trois paires de pattes contrairement aux larves de charançons et de mineuses qui en sont dépourvues.
Remarque : une autre altise sévit sur le colza. Il s’agit de la petite altise ou altise des crucifères, Phyllotreta sp. Elle mesure 2 à 2,5 mm de longueur. Sa couleur est bleu métallique ou noir brillant. Selon l’espèce, ses élytres peuvent avoir des bandes longitudinales jaunes. Moins fréquent que la grosse altise, ce coléoptère, aussi sauteur, attaque le colza dès sa levée.
Le cycle biologique des altises
La grosse altise n’effectue qu’un vol nuptial par an de mi-septembre à octobre. Ensuite, après cette phase, les adultes s’activent uniquement à la tombée de la nuit pour se nourrir et se cachent le jour dans les anfractuosités du sol et les résidus de paille.
Les pontes se déroulent de l’automne à la fin de l’hiver. La température optimale est entre 4 et 12°C, et les pontes s’arrêtent en dessous de 2°C. Une femelle pond de 70 à 150 œufs qu’elle dépose en paquet dans des cavités du sol, tout près des pieds de colza.
- Les larves d’altises passent l’hiver dans les plantules de colza
Les larves sortent 10 jours après la ponte. Elles pénètrent dans la plante par le pétiole des feuilles de colza et se nourrissent en creusant des galeries dans la feuille et la tige. Leur croissance s’arrête lorsque les températures descendent en dessous de 7°C.
Au début du printemps, pour effectuer leur nymphose, elles se cachent entre 0,5 et 8 cm de profondeur dans le sol.
- Les altises adultes passent l’été dans les bords de parcelles
Les adultes émergent en mai-juin. Ils quittent les parcelles de colza pour migrer vers une végétation dense (haies et bords de champs). La diapause dure jusqu’au milieu de l’été. Début septembre, pour se reproduire, ils entament leur vol vers les parcelles de colza. La migration débute après une période de baisse puis de remontée des températures au-dessus de 20°C.
La nuisibilité des altises
Pour se nourrir, les altises d’hiver adultes perforent uniquement les cotylédons et les jeunes feuilles de colza.
- Jusqu’au stade 4 feuilles, les attaques fragilisent le potentiel de rendement en affaiblissent les plantes.
- Cependant, au-delà du stade 4 feuilles, les plantules peuvent faire face aux dégâts foliaires.
Toutefois, la principale menace provient des larves. Pendant l’hiver, leurs attaques s’étendent jusqu’au cœur de la tige. Les morsures rendent la plante plus sensible au gel, causant d’importantes pertes de pieds. Puis, à la montaison, les larves endommagent le bourgeon terminal. Dans ce cas, la plante reste naine avec un port buissonnant.
La stratégie de protection combinatoire contre l’altise du colza
Pour résister aux attaques de la grosse altise, à chaque étape de son cycle, le colza doit avoir une bonne dynamique de croissance.
L’institut technique Terres Inovia présente les leviers agronomiques dans le cadre de la démarche « colza robuste ». Cette stratégie repose sur une combinaison de pratiques culturales.
Les pratiques culturales
- Choix de variétés
Des variétés de colza avec une forte vigueur de départ et une reprise précoce de la végétation en sortie d’hiver sont moins sensibles aux attaques d’altises.
Depuis 2022, Terres Inovia prend en compte le critère « hébergement des larves d’altises » dans ses notations de variétés. Cependant, ce critère n’est pas toujours corrélé avec le rendement.
Une fiche CEPP (Certificat d’économie de produits phytopharmaceutiques) inclut depuis 2024 les variétés robustes vis-à-vis des coléoptères d’automne.
Elle considère trois critères : la vigueur du colza à l’automne, l’hébergement des larves et le port buissonnant.
Selon Terres Inovia, les variétés de colza aux meilleurs comportements vis-à-vis des altises permettent de diminuer l’Indice de fréquence de traitement (IFT) insecticide. Ainsi, l’institut technique estime cette économie jusqu’à 2 unités d’IFT (sur un total de 6 en moyenne).
Le semis du colza avec des légumineuses gélives concerne chaque année environ un tiers des surfaces. La fiche N° 2 du Contrat de solutions indique que ces légumineuses évitent en moyenne un passage insecticide à l’automne.
- Semer tôt le colza
Une autre solution mise en avant par Terres Inovia consiste à soustraire le colza de la période d’activité des altises, en le semant début août. Lorsque les vols du coléoptère interviennent autour du 20 septembre, la plante dépasse le stade sensible de 4 feuilles.
- Réussir l’implantation du colza
Une levée précoce en août et une croissance dynamique à l’automne dépendent de plusieurs facteurs.
- Tout d’abord, un sol frais (semis juste avant les pluies).
- Aussi, une bonne structure du sol pour un bon enracinement.
- De plus, une densité de semis autour de 35 plantes/m².
- Enfin, un apport d’azote « starter » qui dynamise la croissance en début du cycle.
Cependant, la fertilisation n’est pas nécessaire si le précédent cultural est une légumineuse ou si le colza est semé avec une légumineuse.
- Colza associé aux légumineuses gélives
L’association du colza avec une légumineuse gélive (fétuque, fenugrec, vesces, lentilles…) est complémentaire du semis précoce pour réguler les populations d’altises. En effet, ces plantes compagnes perturbent les altises qui ont plus de difficultés à repérer les colzas pour se nourrir et pondre à proximité.
- Aménagements paysagers
Par ailleurs, les bandes végétalisées proches des parcelles cultivées abritent des prédateurs comme les staphylins, les larves de cantharides, les adultes de carabes et des parasitoïdes.
Par exemple, l’hyménoptère Tersilochus (Tersilochus microgaster) pond ses œufs au printemps dans les larves d’altises.
Le suivi des populations de grosses altises
L’adulte de l’altise d’hiver est sous haute surveillance de septembre à octobre. Des réseaux d’agriculteurs et de techniciens piégeurs établissent des indicateurs de présence du ravageur dans les parcelles de colza. Dès le semis, des cuvettes jaunes légèrement enterrées servent de piège pour les altises.
Pour estimer le nombre de larves, Terres Inovia recommande notamment la méthode Berlèse. Sinon, l’incision des tiges ou de pétioles aide à repérer les galeries et les individus.
Les observations des techniciens alimentent les Bulletins de santé du végétal (BSV).
L’agronomie digitale
Terres Inovia propose deux outils d’aide à la décision « Colza Risque altises adultes » et « Colza Risque larves d’altises d’hiver ». Ces simulateurs évaluent le risque à partir de composantes agronomiques.
La phytopharmacie
Contre les adultes et les larves d’altises, on déclenche la protection insecticide en fonction de trois critères.
- Le risque agronomique qui intègre la précocité de semis, la vigueur des pieds, le volume de biomasse et la dynamique de croissance du colza.
- La pression des insectes avec le niveau de dégâts des adultes et le nombre de larves.
- Le niveau de résistance des altises aux insecticides pyréthrinoïdes.
Niveaux de résistance des altises aux pyréthrinoïdes
La pharmacopée comprend seulement cinq pyréthrinoïdes. Toutefois, des résistances existent et le choix des produits dépendra du niveau de sensibilité des altises.
Dans de nombreuses situations, ces produits conservent leur efficacité sur larves et adultes. Cependant, en cas de résistance généralisé à l’échelle d’un département, la cyantraniliprole est utilisable par dérogation 120 jours.
Deux types de résistance des altises aux pyréthrinoïdes existent :
La résistance KDR (Knock Down Resistance) qui est partielle et la résistance SKDR (Super Knock Down Resistance) qui est forte.
Pour connaitre les départements concernés par ces résistances, voir la carte des résistances de Terres Inovia.
Utilisation des insecticides selon les situations de résistances des altises aux pyréthrinoïdes
Importance de l’approche combinatoire contre l’altise du colza
L’altise peut faire de gros dégâts sur le colza. À la levée, la destruction de plantules par les adultes peut affecter le peuplement. Puis, en hiver, les larves endommagent les pieds, les rendant sensibles au gel et peuvent même détruire le bourgeon terminal !
La pharmacopée est très limitée et il existe de nombreuses résistances d’où l’importance de sécuriser la culture du colza par une approche durable de la protection de la culture.
La combinaison des différents leviers disponibles vise à maintenir le niveau des populations en dessous des seuils de risque, en agissant à toutes les étapes du cycle du ravageur.
Pour ce faire, l’approche combinatoire comprend plusieurs volets :
- Tout d’abord, une approche agronomique (date de semis, choix variétal, plantes compagnes),
- Ensuite, un suivi digital des populations d’insectes (piégeages et BSV),
- Et finalement, l’utilisation raisonnée des substances actives autorisées.
Les solutions de biocontrôle sont encore peu développées mais certains agriculteurs utilisent des produits répulsifs à base d’ail.
La protection combinatoire contre la grosse altise en 2030
Le Plan sortie du Phosmet (2022-2025) explore des solutions alternatives à la phytopharmacie. Des solutions sont prometteuses contre les altises du colza.
- Les solutions de biocontrôle. Un champignon entomopathogène qui contamine les grosses altises est testé actuellement. Un autre micro-organisme à l’étude jouerait un rôle dissuasif. Par ailleurs, un acide gras naturel agirait contre les adultes. Un produit de biocontrôle à base de kairomones est en cours d’évaluation. Ces odeurs perturbent les adultes.
- L’agronomie digitale. L’efficacité des traitements, qu’ils soient phytopharmaceutiques ou de biocontrôle, dépend d’un bon positionnement. Les outils digitaux sont développés pour l’optimiser. Ainsi, des satellites mesurent la biomasse du colza et des pièges connectés déterminent l’arrivée de l’insecte sur la parcelle. Avec les données météo il est possible d’affiner la période d’application.
- La génétique. La sélection variétale cible notamment la tolérance des plantes aux attaques des altises et du charançon du bourgeon terminal à un haut potentiel de rendement.